2025-11-01 01:29:24 - Le député franco-algérien Abdelkader Lahmar, membre du groupe La France insoumise (LFI), a provoqué une vive réaction en France à la suite de propos tenus le 29 octobre 2025 lors d’une séance de la commission de la défense nationale. Alors que la commission examinait un amendement présenté par la députée Michèle Martinez visant à créer une fondation pour la mémoire des harkis, Abdelkader Lahmar a exprimé une position critique.
Le député du Rhône a demandé : "N’utilisez pas le mot harki parce qu’il veut dire traître". Et d'ajouter, "je suis fils de personnes assassinées par l’armée française, et probablement, des harkis y ont participé. » Avant d’ajouter : « Si vraiment vous voulez les respecter, n’utilisez pas le mot harki parce qu’il veut dire traître. Utilisez plutôt supplétif de l’armée française. »
Ces propos ont immédiatement suscité des réactions dans les rangs du Rassemblement national. Le député Thibaut Monnier a dénoncé sur le réseau X une « insulte à la mémoire des harkis », accusant Abdelkader Lahmar de reprendre « le vocabulaire du FLN ».
Le sens du mot « harki »
En Algérie, le terme « harki » possède une signification historique particulière. Issu du mot arabe « harka », qui signifie mouvement, il désignait à l’origine des groupes de supplétifs algériens ayant rejoint l’armée française pendant la guerre d’indépendance entre 1954 et 1962. Ces hommes, recrutés en nombre important, ont pris part aux opérations militaires de la puissance coloniale contre les combattants du Front de libération nationale (FLN).
Après la signature des accords d’Évian en 1962, la majorité des harkis restés en Algérie furent considérés par la population et les autorités du nouvel État indépendant comme des collaborateurs du colonisateur. Leur participation aux opérations de répression, souvent marquées par des exactions contre des civils et des partisans de l’indépendance, a laissé une empreinte durable dans la mémoire collective algérienne.
Dans le discours historique national, le mot « harki » est devenu synonyme de trahison. Il désigne ceux qui, en soutenant l’armée française, ont été perçus comme ayant tourné leurs armes contre leurs propres compatriotes. Cette perception s’est consolidée à travers les récits officiels, les témoignages de moudjahidine et les récits familiaux transmis depuis l’indépendance.
Ainsi, lorsque Abdelkader Lahmar affirme que « le mot harki veut dire traître », il reprend une signification largement partagée dans la société algérienne, où le terme est associé à une période douloureuse marquée par la guerre, la colonisation et la lutte pour la souveraineté nationale.
L'honneur et fidélité ne marche pas qu'on trahi sa nation pour une autre nation un harki=traître le seras toujours aucun honneur pour les harki c'est des traîtres et sa restera des traîtres (@jacqksbarow94)
Réactions politiques et portée mémorielle
Le débat provoqué par ces déclarations révèle la persistance de divergences profondes entre la mémoire française et la mémoire algérienne de la guerre d’indépendance. En France, le terme « harki » renvoie à la souffrance des anciens supplétifs et de leurs familles, longtemps marginalisés après 1962. En Algérie, il demeure lié à l’idée de collaboration avec l’occupant et à la répression du mouvement national.
Plus de soixante ans après la fin de la guerre d’Algérie, la France tente aujourd’hui de réhabiliter la mémoire des harkis, longtemps marginalisés et oubliés. À la fin du conflit, plusieurs dizaines de milliers d’entre eux avaient été logés dans des camps de transit et des hameaux de forestage, souvent isolés et précaires. Ces lieux, assimilés à des ghettos par de nombreux historiens, témoignent des conditions de vie offertes par la France à ceux qui ont été leurs collaborateurs durant la guerre.
Depuis les années 2000, l’État français multiplie les gestes de reconnaissance, en exprimant publiquement des excuses et en promettant des indemnisations. Cette démarche s’inscrit en apparence, dans une volonté de réparer une faute historique, mais elle suscite parfois des débats en France sur la manière dont cette mémoire est intégrée au récit national.
Article de Mohamed Rahmani-Source : ObservAlgerie
: Afrique Monde

