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Détournements, emplois fictifs… À Mayotte, la corruption quatre fois plus élevée qu’en Hexago

2025-11-01 00:13:38 - Le maire de Tsingoni vient d’être placé en garde à vue et le procès des membres du syndicat des eaux, soupçonnés d’avoir détourné de l’argent, s’ouvre bientôt. Pour lutter contre la corruption, une antenne de l’association Anticor vient d’être créée. 

En juillet 2024, l’ancien maire de Chirongui (Mayotte), Andhanouni Saïd était condamné, en appel, à six mois de prison avec sursis pour des radiations frauduleuses d’électeurs. Un an plus tôt, il avait été démis de ses fonctions et condamné à 15 000 € d’amende pour des voyages et des dépenses aux frais du contribuable, ainsi que des faits de favoritisme.
 
Le 14 octobre 2025, c’est le maire de Tsingoni, Issilamou Hamada, ainsi que quatre autres élus qui ont été placés en garde à vue dans le cadre d’une enquête sur la gestion des marchés publics de la commune, après la publication d’un rapport de la Chambre régionale des Comptes. Certains marchés auraient été divisés en petites commandes pour éviter la mise en concurrence.
 
Dans le 101e département français, les faits de corruption seraient quatre fois plus fréquents qu’en France hexagonale. D’après une étude conjointe de l’agence française anticorruption (AFA) et du service statistique ministériel de la sécurité intérieure (SSMSI), le taux d’atteintes à la probité dans le département de Mayotte s’élève à plus de 4 infractions par 100 000 habitants entre 2016 et 2024, contre 1,1 infraction par 100 000 habitants en moyenne nationale.
 
« Plus d’intégrité de la part des élus »
 
Pour tenter de lutter contre ces infractions, une antenne de l’association Anticor vient d’être créée sur le territoire. « Cela faisait longtemps qu’il y avait un groupe local à La Réunion par exemple, mais pas à Mayotte. Et j’avais à cœur de travailler sur ces problématiques », souligne Léo Jusiak, le référent de l’association dans le 101e département français, qui souhaite « plus d’intégrité de la part des élus et davantage d’éthique en politique. » Cet agent de la Communauté d’agglomération de Dembéni – Mamoudzou (Cadema) connaît « bien les contraintes des collectivités » et veut ainsi « lutter contre les détournements de fonds publics, le trafic d’influence ou les emplois fictifs. » Et quelques jours, il a déjà réuni une vingtaine d’adhérents autour de lui.
 
Notamment parce que ces faits de corruption participent à la dégradation des services publics. « Il y a des problématiques dans tous les domaines : la distribution d’eau potable, le manque d’assainissement, le transport… Et dans le même temps, la Chambre régionale des comptes (CRC) pointe régulièrement des irrégularités dans un certain nombre de marchés publics », relate le référent d’Anticor.
 
Dans un rapport publié en 2020, la CRC a notamment mis en évidence le fractionnement de plusieurs marchés par le syndicat des eaux entre 2014 et 2019. Divers travaux auraient donné lieu à des détournements de fonds, des recrutements en nombre auraient été réalisés et des frais de mission exorbitants ont été relevés tout comme un déficit abyssal de l’institution. Alors que le manque d’infrastructures de potabilisation oblige le territoire à priver ses habitants d’eau courante la moitié du temps. Au total, 24 personnes sont mises en cause dans cette affaire et seront jugées début 2026 à Paris.
 
« S’appuyer sur des lanceurs d’alerte »
 
Pour révéler ce type d’affaires, la vingtaine d’adhérents d’Anticor veut « s’appuyer sur des lanceurs d’alerte » pour créer des dossiers et les signaler au procureur de la République. « La plateforme de l’association permet de partager des documents anonymement. Nous voulons être bien identifiés sur le territoire et mobiliser également les associations. Aujourd’hui, les affaires prennent beaucoup de temps à être traitées. On aimerait aussi se rapprocher d’un avocat dédié à ce type d’affaires localement », poursuit Léo Jusiak.
 
En parallèle, l’association veut mener des actions de sensibilisation dans les écoles, ou organiser des forums et des discussions autour de ces questions.
 
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Article de Jéromine Doux À La Réunion-Ouest France/Photo: tribunal de Mamoudzou.

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