2025-10-16 21:04:09 - Un texte hérité d’une autre époque. Oui, les vieux colons français signaient n'importe quelle bêtise. Le plus important est de savoir s'ils se sont bien intégrés avec leurs familles dans la culture française. C'est ça la vraie question que les Français de tout horizon attendent, Dixit Médard Ntep
Signé en 1968, en pleine reconstruction des liens entre Paris et Alger, l’accord franco-algérien devait faciliter la circulation et le travail des ressortissants algériens en France. Dans le contexte des Trente Glorieuses, la France avait besoin de main-d’œuvre et d’un cadre juridique stable avec son ancienne colonie. Cet accord offrait donc aux Algériens des droits spécifiques : un titre de séjour de dix ans obtenu plus facilement, des regroupements familiaux accélérés et une couverture sociale alignée sur celle des Français.
Près de soixante ans plus tard, un rapport parlementaire, rendu public les 15 et 16 octobre 2025, juge ces avantages illégitimes. Rédigé par les députés Charles Rodwell et Mathieu Lefèvre, proches de la majorité présidentielle, le texte estime que ce régime crée une « rupture d’égalité » entre étrangers et pèse sur les finances publiques. Selon leurs calculs, l’application de l’accord représenterait environ deux milliards d’euros par an pour l’État et les collectivités.
Un débat explosif sur fond de tensions diplomatiques
Derrière le débat juridique se joue une bataille politique. Pour ses auteurs, la France « est la seule des deux parties à appliquer pleinement l’accord », l’Algérie n’ayant jamais respecté la clause de réciprocité prévue à l’origine. Cette asymétrie justifierait une dénonciation pure et simple, un acte que la France peut juridiquement poser unilatéralement. En 2024, on comptait près de 650 000 ressortissants algériens vivant légalement dans l’Hexagone et plus de 33 000 interpellations en situation irrégulière, d’après les chiffres fournis au Parlement.
Mais la dénonciation n’est pas sans risque. Alger considère cet accord comme un symbole historique : y toucher reviendrait, pour une partie de l’opinion algérienne, à rouvrir les plaies de la colonisation. À Paris, l’opposition se divise. Les élus de gauche dénoncent une manœuvre électoraliste et un signal hostile envoyé à l’Algérie, tandis que la droite et le Rassemblement national réclament depuis des années la fin de ce « privilège migratoire ».
Entre la France et l'Algérie, des frictions diplomatiques devenues structurelles
Les tensions entre Paris et Alger ne se limitent pas à la question symbolique de l’accord. Depuis plusieurs années, l’Algérie refuse de délivrer les laissez-passer consulaires nécessaires au renvoi des ressortissants sous le coup d’une OQTF (obligation de quitter le territoire français). En 2023, moins de 1 % des expulsions prononcées à l’encontre de ressortissants algériens ont pu être exécutées, faute de coopération consulaire. Ce blocage nourrit la frustration des autorités françaises, qui y voient une entrave directe à la souveraineté migratoire de la France.
S’ajoutent à cela des dossiers financiers sensibles. La Caisse nationale d’assurance vieillesse (CNAV) a identifié des fraudes massives sur les retraites versées en Algérie, certaines concernant des bénéficiaires déclarés décédés mais continuant de percevoir leurs pensions. En parallèle, les hôpitaux français réclament plusieurs centaines de millions d’euros d’impayés à l’État algérien, au titre des frais médicaux non réglés pour ses ressortissants soignés dans l’Hexagone. Ces créances, estimées par Bercy à plus de 90 millions d’euros en 2024, restent sans règlement effectif malgré des relances diplomatiques.
Ces frictions récurrentes alimentent le sentiment, au sein de la majorité, que l’Algérie bénéficie d’un cadre avantageux sans contrepartie. « Nous devons sortir d’une logique de dépendance et de privilège historique », confiait récemment un conseiller ministériel. En filigrane, la France semble vouloir conditionner la poursuite de toute coopération à des engagements concrets d’Alger en matière migratoire et financière.
Une remise en question au goût amer
L’accord de 1968 cristallise les contradictions de la politique migratoire française : entre devoir de mémoire et exigence d’égalité, entre ouverture symbolique et contrôle accru des flux. Pour beaucoup de responsables politiques, sa dénonciation marquerait la fin d’une ère de repentance, mais aussi le début d’une relation bilatérale plus pragmatique. « Ce régime d’exception n’a plus lieu d’être », plaide Charles Rodwell, soulignant que la France doit désormais « assumer une politique migratoire claire et cohérente ».
Reste à savoir si Emmanuel Macron osera franchir le pas. En 2023, l’Assemblée nationale avait déjà rejeté une proposition similaire. Cette fois, le contexte économique, la pression migratoire et le climat diplomatique pourraient peser autrement. La fin de l’accord franco-algérien de 1968 s’annonce comme l’un des dossiers les plus sensibles de cette fin d’année.
Article de Adélaïde Motte - Politique Matin / Chapô - Médard Ntep
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