2025-05-07 22:48:42 - FIGAROVOX/TRIBUNE - Le récent retrait américain du conflit russo-ukrainien, au lendemain d’un accord pourtant encourageant sur les minerais, contraste avec l’engagement européen d’Emmanuel Macron pour une paix fondée sur un soutien ferme à Kiev, salue l’ancien ministre russe Alexander Temerko.
Alexander Temerko est un entrepreneur anglo-ukrainien, ancien ministre de la Défense russe sous Boris Eltsine.
L’accord américano-ukrainien sur les minéraux du 30 avril à peine signé, les États-Unis ont annoncé dès le 1er mai leur intention de « changer de cap » en renonçant à tout rôle de médiation dans le conflit russo-ukrainien, appelant les deux parties à présenter leurs idées pour mettre fin à la guerre. Le vice-président Vance l’a explicité le même jour sur Fox News : « Il appartiendra aux Russes et aux Ukrainiens, maintenant que chaque partie connaît les conditions de paix de l’autre, de trouver un accord et de mettre fin à ce conflit brutal ». Ce repli envoie un signal inquiétant, la bouderie y tenant lieu de stratégie.
Je ne suis malheureusement pas surpris : depuis janvier, j’ai essayé d’aider la nouvelle administration américaine, en offrant mon expertise, ma compréhension de l’Ukraine et mes avertissements sur les risques d’un processus de paix malavisé. J’étais présent lors de l’investiture du président Trump, et j’ai travaillé sans relâche pour soutenir ceux qui, au sein de l’administration, ont encore une vision claire de la situation en Ukraine. Mais les progrès ont été imperceptibles. Malgré les discours, trop de personnes à Washington semblent animées par des instincts ou des intérêts qui vont à l’encontre d’une paix juste et durable.
Certains, les « activistes », prônent la paix avec la Russie à tout prix, même si cela implique de compromettre la souveraineté de l’Ukraine. Pour eux, l’amitié avec Moscou est plus importante que la justice pour Kiev. Trump lui-même se contente d’appeler à la paix, mû par l’instinct et le calcul. Mais il y a aussi les « réalistes » qui reconnaissent qu’une paix réelle ne peut être obtenue par l’apaisement, mais seulement en renforçant la position de l’Ukraine et en veillant à ce qu’elle ne puisse plus être menacée.
Eu Europe, ce camp « réaliste » a désormais un leader incontestable en la personne du président Emmanuel Macron. Il exprime une vision plus stratégique en réfutant les concessions et en apportant un soutien : échanges commerciaux, investissements, systèmes financiers, aide militaire et matérielle. Dans cette vision, la paix ne repose pas sur l’espoir, mais sur la force.
J’aime l’Ukraine, c’est ma patrie. Je connais les Ukrainiens, j’ai préservé l’identité ukrainienne, la langue, la liberté profondément enracinée et le sens de la compassion. Je comprends la Russie : j’y ai fait une brillante carrière, j’ai compris comment fonctionne le pouvoir, ce que signifie une véritable influence sur les gens et les événements, ce qu’est l’esprit impérial russe, ce que signifie moralement l’Union soviétique pour la Russie moderne et les Russes. J’ai beaucoup travaillé avec le « grand voisin », la Chine. J’ai ensuite lutté contre la collusion de gangsters et d’agents des services secrets qui se sont emparés du pouvoir en Russie sous la houlette de Vladimir Poutine. Désormais britannique, j’ai encouragé mon gouvernement à soutenir l’Ukraine par tous les moyens à sa disposition.
Regardons la vérité en face. Premièrement, l’Ukraine n’acceptera pas de céder les territoires capturés et la Russie ne peut simplement pas renoncer à ce qu’elle a pris. Deuxièmement, avec un million de personnes tuées ou blessées, des maisons et des familles détruites, des personnes torturées, aucun traité de paix signé par cette génération n’aurait la moindre valeur. Par conséquent, il ne sert à rien de poursuivre une chimère. La solution sera nécessairement complexe et de long terme : la priorité doit aller à l’obtention d’un cessez-le-feu grâce à une pression accrue sur la Russie, à travers de nouvelles sanctions économiques et un effort européen de soutien en armes et munitions à l’Ukraine.
L’économie russe est vulnérable et son orientation militariste actuelle n’est pas soutenable. Ensuite, des élections en Ukraine et la constitution d’un gouvernement d’unité nationale prendront acte de cette situation nouvelle sans renoncer aux territoires perdus ainsi que le montrent de nombreux précédents historiques avec deux Allemagnes, deux Corées, deux Chypres, des conflits gelés multiples comme entre la Russie et la Japon ou entre la Chine et Taïwan. Enfin, il nous faudra attendre que le temps fasse son œuvre, au premier chef avec le décès de Vladimir Poutine qui aura déjà 73 ans en 2025 : l’effondrement de ce régime et l’aspiration au changement de la population russe constitueront alors le meilleur espoir de réunification de l’Ukraine.
Cette orientation implique constance et fermeté au service d’un engagement européen de long terme sur les plans militaire et économique. Le président Macron a pris les rênes du leadership européen en faveur de l’Ukraine, offrant à la France de s’imposer à nouveau comme une boussole morale et stratégique en Occident. Il honore l’héritage d’une Europe qui se souvient de ses propres leçons sanglantes et ose croire en un avenir où la justice et la paix ne sont pas des contradictions, mais des compagnons.
Article de Alexander Temerko - Le Figaro/Photo:JULIEN DE ROSA / AFP
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