2025-04-01 18:21:26 - Condamnée lundi 31 mars à cinq ans d’inéligibilité, Marine Le Pen dénonce « un jour funeste pour notre démocratie ». Elle est pourtant loin d’être la première personnalité de premier plan à être ainsi sanctionnée pour ses délits.
Un grand fauve de la politique est blessé. En ce 13 janvier 2004, les journalistes accourent au siège de l’UMP, où Alain Juppé reçoit pour ses vœux à la presse. Les discussions tournent autour d’un sujet unique : la décision dans le procès des emplois fictifs de la Ville de Paris, qui est imminente. Alain Juppé sera-t-il déclaré inéligible ? L’intéressé laisse entendre que si c’est le cas, il « quittera la vie politique »…Deux semaines plus tard, l’ex-Premier ministre est condamné à 18 mois de prison avec sursis et une longue inéligibilité : dix ans ! Cette peine sera, toutefois, réduite à 14 mois de prison avec sursis et un an d’inéligibilité, lors de la décision en appel, en décembre 2004.
Un des favoris de la présidentielle
Pour les juges, Alain Juppé était au centre du système de financement occulte du RPR. Il perd ses mandats de député et de maire de Bordeaux. Et son statut qui le place parmi les favoris de la présidentielle de 2007. Le dauphin de Jacques Chirac démissionne en effet de la présidence du principal parti de droite, l’UMP, dont Nicolas Sarkozy va bientôt s’emparer pour la transformer en machine de guerre à son propre service.
À l’époque, Marine Le Pen ne dénonçait pas « un jour funeste pour notre démocratie »», comme elle l’a dit ce lundi soir sur TF1. Elle fustigeait au contraire, dans les mots les plus durs, ces élus « qui volent l’argent aux Français ».
L’histoire d’Alain Juppé le montre : Marine Le Pen n’est pas la première personnalité à voir ses ambitions présidentielles brisées pour avoir commis un délit. Jugée coupable dans l’affaire des emplois fictifs au Parlement européen, l’élue du Rassemblement national a été condamnée ce lundi 31 mars à quatre ans de prison, dont deux ans ferme sous bracelet électronique, et cinq ans d’inéligibilité avec application immédiate. À moins d’un coup de théâtre lors du procès en appel, Marine Le Pen ne pourra pas se présenter une quatrième fois à la présidentielle, prévue en 2027.
À gauche : Emmanuelli, Cahuzac…
Quoi qu’en disent ses supporters, Marine Le Pen n’a pas subi un traitement de défaveur. En attestent, aussi, les peines d’inéligibilité prononcées dans des situations comparables.
Citons, à la gauche de l’échiquier politique, Henri Emmanuelli, ancien patron du Parti socialiste et ex-président de l’Assemblée nationale, condamné en 1997 à 18 mois de prison avec sursis et deux ans de privation de droits civiques dans le procès Urba, une affaire de financement occulte du PS.
Plus récemment, l’un des ministres de premier plan de François Hollande, Jérôme Cahuzac a été condamné à deux ans avec sursis, cinq ans d’inéligibilité et 300 000 € d’amende, cette fois pour fraude fiscale et blanchiment de fraude fiscale. Cette affaire retentissante a d’ailleurs amené la majorité socialiste de l’époque à durcir les peines encourues : les parlementaires ont voté en 2016 la loi relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique, dite loi Sapin II.
À droite : Fillon, Sarkozy…
À droite aussi, des peines ont été prononcées. L’ancien Premier ministre, François Fillon, a été reconnu définitivement coupable de détournement de fonds public et condamné à dix ans d’inéligibilité, notamment pour les emplois fictifs de son épouse.
La justice a sanctionné deux anciens présidents de la République. Jacques Chirac, dans l’affaire des emplois fictifs de la Ville de Paris : âgé de 79 ans, sa carrière politique derrière lui, il avait reçu deux ans de prison avec sursis, mais pas de peine d’inéligibilité.
Pour sa part, Nicolas Sarkozy a été privé de ses droits civiques, donc déclaré inéligible pour un an, après sa condamnation pour corruption dans l’affaire des écoutes, qui lui vaut de porter aujourd’hui un bracelet électronique. Par ailleurs, il est jugé dans le financement de sa campagne présidentielle de 2007, et sept ans de prison ferme et cinq ans d’inéligibilité ont été requis contre lui.
L’inéligibilité n’interdit pas de revenir en politique
Le parcours d’Alain Juppé délivre un second enseignement : on aurait tort de conclure trop vite à la fin de la vie politique de Marine Le Pen, même si sa peine était confirmée en appel. Après un bref exil au Québec, l’ex-Premier ministre a retrouvé le fauteuil de maire de Bordeaux. Puis il est revenu au gouvernement, comme ministre des Affaires étrangères (2010-2012). Alain Juppé siège aujourd’hui au Conseil constitutionnel.
Article de Baptiste LEGRAND - Ouest-France / Photo:AFP
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