2024-11-14 21:08:40 - Des légionnaires français arrêtés au Tchad ? Depuis le 11 novembre, plusieurs comptes sur X et Facebook ont publié deux photos de soldats français qui auraient été faits prisonniers à la suite d'opérations menées par l'armée tchadienne contre l'organisation terroriste Boko Haram. Mais ces photos ont été prises lors d'un entraînement entre la France et le Tchad fin octobre, comme l'a indiqué l'armée française et le soldat tchadien à l'origine de ces images contacté par TF1.
Des soldats français récemment capturés par les soldats tchadiens ? Depuis le 11 novembre, deux photos diffusées par plusieurs comptes sur X qui revendiquent pour la plupart un soutien aux gouvernements de l'Alliance des Etats du Sahel (AES) ont commencé à circuler.
Sur ces images, on y voit deux soldats portant l'uniforme militaire français, debout puis agenouillés, les mains derrière la tête et encadrés par trois militaires armés de l'armée tchadienne.
Les comptes qui partagent ces images soutiennent qu'elles montreraient des "légionnaires français" arrêtés pour avoir "entraîné des terroristes", comme le soutient notamment le compte anglophone sur X African Hub, dans un post publié le 12 novembre et vu plus de 250.000 fois.
Pourquoi de telles accusations ? Ces prétendus légionnaires sont accusés d'avoir collaboré directement avec les djihadistes, alors que le Tchad fait face à la menace de l'organisation terroriste Boko Haram ces dernières semaines.
Depuis fin octobre, l'armée tchadienne mène l'opération militaire Haskanite contre cette organisation, qui a tué une quarantaine de soldats tchadiens lors de l'attaque d'une base de l'armée le 27 octobre dernier.
Un entraînement militaire des armées française et tchadienne
Sauf que ces photos ne montrent pas l'arrestation de soldats français par l'armée tchadienne, mais un entraînement conjoint entre les deux armées.
Contacté par la rédaction des Observateurs le 13 novembre, l'armée française a confirmé l'authenticité de ces images, mais a affirmé qu'elles avaient été prises lors d'une "formation délivrée par les forces françaises au Tchad auprès de militaires tchadiens, fin octobre 2024, sur la base aérienne de Kosseï, à N’Djamena".
Lors de cette formation sur les "techniques de fouille opérationnelle", l'armée indique également que ces militaires français ont "joué le rôle de suspects afin de permettre aux militaires tchadiens de mettre en application pratique la formation théorique".
Interrogée sur l'origine de ces images, l'armée française a déclaré que ces photos avaient été "prises par des militaires tchadiens à titre personnel".
Un point confirmé par la personne à l'origine de ces images, contactée par la cellule de vérification de TF1. Une page Facebook tchadienne, Tchad Halou, a en effet partagé ces deux photos dès le 10 novembre, soit un jour avant que ces images ne soient sorties de leur contexte.
Dans son post, la page précise que ces images montrent une "simple formation". Interrogé par TF1, l'administrateur de la page a précisé avoir récupéré ces images dans la vidéo du compte TikTok d'un soldat tchadien diffusée quelques jours auparavant. Si la vidéo est désormais effacée, l'administrateur a tout de même envoyé une capture d'écran à la rédaction de TF1.
Contacté sur Facebook par la rédaction des Observateurs, la page n'a pas encore répondu à nos demandes.
Des photos du même événement
D'autres indices indiquent également que ces photos ont bien été prises lors d'un entraînement. Comme l'ont remarqué plusieurs observateurs en ligne, les armes visibles sur les deux photos circulant en ligne ne sont en effet pas munies d'un chargeur. Une absence qui souligne que la scène a été photographiée lors d'un exercice.
Contactée par la rédaction des Observateurs, l'armée française a envoyé deux photos qu’ils indiquent avoir prises lors de l’entraînement. Les images permettent de recontextualiser les photos prises par le soldat tchadien.
Sur ces images qui montrent le même bâtiment aux couleurs jaune et rouge en arrière-plan, on observe une scène très similaire de fouille, sur laquelle deux soldats français sont au sol et examinés par des militaires tchadiens.
S'il est difficile d'identifier formellement les deux soldats français (entourés en vert) comme étant ceux visibles sur la photo du soldat tchadien, on peut voir que ces fouilles se font dans un climat détendu, loin d'une supposée arrestation. Sur ces photos, plusieurs soldats français sont en effet vus en train de discuter ensemble et avec d'autres soldats tchadiens.
Une intox poussée par des comptes pro-AES
Chassé du Mali, du Burkina Faso et du Niger ces dernières années, la France possède encore une présence militaire au Tchad, qui est désormais le seul pays de la région du Sahel dans lequel avait été déployée l'opération Barkhane en 2014 à collaborer sur le plan militaire avec l'Hexagone.
Début août, l'armée française avait notamment annoncé un partenariat militaire opérationnel avec l'armée tchadienne.
Même chose en mars 2023 quand le ministère de la défense français avait publié des photos de soldats français s'entraînant avec un détachement tchadien dans la ville d'Abéché. Ces derniers jours, plusieurs comptes avaient par ailleurs affirmé à tort que les photos des deux soldats "arrêtés" avaient été prises à cette date.
Si 1000 soldats français sont encore déployés au Tchad, les effectifs dans le pays pourraient toutefois être divisés par trois dans les prochains mois, comme l'avait indiqué l'AFP en juin dernier. Un désengagement progressif lié en partie aux tensions provoquées par la présence française dans la région alors que les juntes au pouvoir au Mali, au Niger et au Burkina Faso ont rompu toute relation avec la France.
Depuis quelques années, la présence française au Sahel et en Afrique en général se retrouve désormais régulièrement dénoncée par leurs soutiens. La plupart des comptes qui ont relayé l'intox des soldats français sont par exemple pour la plupart des comptes de soutien aux pays regroupés dans l'Alliance des Etats du Sahel (AES).
"Vous allez comprendre la vision du capitaine Ibrahim Traoré [président du Burkina Faso], de Goita Assimi [président du Mali] et d'[Abdourahamane] Tiani [président du Niger]", a notamment soutenu le compte sur X Lionne de l'AES, dans un post vu 100.000 fois. "Seuls les imbéciles aux yeux fermés ne comprennent pas la politique française".
Même chose pour le compte anglophone Sahel Revolutionary Soldier, qui affirme que la France chercherait à "déstabiliser l'Afrique".
Plus globalement, la France est régulièrement visée par de fausses informations contre sa présence en Afrique. Une désinformation alimentée également par des acteurs pro-russes : fin octobre, la France avait par exemple été accusée à tort par des comptes pro-russes d'avoir organisé un trafic de pénis volés en République centrafricaine.
Article de Nathan Gallo-France24 / Photo: Photo prise de soldats français et tchadiens lors d'un entraînement militaire réalisé au Tchad en octobre 2024. La photo a été décrite à tort par plusieurs comptes en ligne comme l'arrestation de soldats français.
: Afrique Monde