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Niger : l’ex-président Mahamadou Issoufou compte porter plainte contre l’ambassadeur de France. Décidément, Madame Nathalie Yamb à raison sur cet Ambassadeur au nom de Sylvain Itté

2024-02-23 10:47:00 - Devant la commission de la défense de l’Assemblée nationale, Sylvain Itté avait dénoncé « l’implication directe » de l’ancien chef de l’Etat dans le putsch perpétré le 26 juillet contre son successeur, Mohamed Bazoum.

Un « tissu de calomnie ». Mercredi 21 février, l’ancien président Mahamadou Issoufou a annoncé par l’entremise d’un communiqué publié par son avocat, Issoufou Illo, sa décision de porter plainte contre Sylvain Itté, l’ambassadeur de France chassé du Niger fin septembre 2023 par la junte arrivée au pouvoir deux mois plus tôt. Il lui reproche des propos tenus lors d’une audition devant la commission de la défense de l’Assemblée nationale française, le 29 novembre, et rendus publics mi-février.

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Devant les députés, le diplomate français avait dénoncé « l’implication directe de l’ancien président Issoufou » dans le putsch perpétré le 26 juillet contre son successeur, le président Mohamed Bazoum, toujours détenu avec son épouse au sein du palais présidentiel à Niamey. « On peut avancer sans grand risque de se tromper que [Mahamadou Issoufou] a fomenté ou pour le moins accompagné le coup », avait déclaré l’ambassadeur.

Ces derniers mois, la diplomatie française et l’entourage de M. Bazoum se sont en effet convaincus que l’ex-dirigeant a joué un rôle dans le putsch du général Abdourahamane Tiani, qu’il avait lui-même placé à la tête de la garde présidentielle en 2011. Des doutes alimentés par l’attitude de M. Issoufou vis-à-vis d’un pronunciamiento qu’il n’a pas formellement condamné, ainsi que par son traitement de faveur par les putschistes, qui l’ont laissé libre de ses mouvements, contrairement aux autres cadres de l’ancien régime.

Selon plusieurs sources officielles françaises et des proches du président déchu, un conflit autour de la gestion des ressources pétrolières aurait opposé les clans Bazoum et Issoufou, ce qui aurait poussé l’ancien dirigeant à vouloir mettre un terme au pouvoir de son successeur avec l’aide de son fidèle allié, le général Tiani. Selon cette thèse, reprise par M. Itté lors de son audition parlementaire, la volonté de M. Bazoum d’assainir la gestion du secteur de l’or noir aurait entraîné un différend avec M. Issoufou alors que le fils de ce dernier, Sani Issoufou Mahamadou dit « Abba », était ministre du pétrole.

Sanctions économiques

Pour l’heure, aucune preuve permettant de confirmer cette version n’a été apportée. « Aucun différend n’existe entre le président Bazoum et le ministre du pétrole », a assuré Me Illo dans son démenti mercredi, avant de marteler que M. Issoufou n’était « associé ni de près ni de loin au coup d’Etat du 26 juillet ». « Ces allégations s’inscrivent dans le cadre d’un agenda destiné à déconstruire tous les efforts que l’ancien président […] a déployés au plan national et international », regrette l’avocat. Joint par Le Monde, Me Illo précise que la plainte envisagée par son client contre M. Itté est « en cours », sans toutefois en détailler le motif ni la juridiction devant laquelle il compte la déposer.

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L’audition du diplomate français devant la commission de la défense, qui s’est tenue à huis clos, n’aurait pas dû être publiée sur le site Internet de l’Assemblée nationale. Si une source officielle française soutient qu’il s’agit là d’une simple erreur, l’entourage de M. Issoufou n’en croit pas un mot.

Car le jour de sa diffusion en ligne, l’ancien président s’envolait pour Addis-Abeba pour participer au 37e sommet de l’Union africaine (UA). Invité par le président de la Commission de l’UA, le Tchadien Moussa Faki Mahamat, pour présenter un rapport sur la Zone de libre-échange continentale africaine, M. Issoufou entendait surtout plaider la cause du Niger auprès des responsables de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao) qui y étaient présents. Avec un but : obtenir une réduction, voire la levée des lourdes sanctions économiques décrétées par l’instance ouest-africaine contre le Niger dans l’objectif de contraindre la junte à libérer M. Bazoum.

« La France fait partie des pays qui insistent pour que les sanctions contre le Niger soient maintenues. Depuis sept mois, Issoufou œuvre beaucoup en coulisses pour que la souffrance que vit la population nigérienne, qui est asphyxiée par ces sanctions, soit allégée. Visiblement, la France a tenté de le contrer », glisse un de ses proches.

Manque de clairvoyance

Selon lui, Paris a volontairement publié l’audition de M. Itté dans un double objectif. D’abord, « discréditer » l’ancien président à l’aube d’un sommet de la Cedeao où il sera notamment question de la situation au Niger, le 24 février à Abuja. Mais aussi, « lui faire endosser la responsabilité du coup d’Etat afin de masquer les défaillances des services de renseignement français », qui n’ont, comme les autres chancelleries occidentales, pas vu venir ce putsch. « Nous n’imaginions pas un seul instant qu’Issoufou enverrait le chef de la garde présidentielle, son homme, renverser celui qui était son camarade de parti depuis trente ans », s’est en effet justifié l’ambassadeur face aux parlementaires.

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Au lendemain du 26 juillet, le manque de clairvoyance de la Direction générale de la sécurité extérieure (DGSE) et de la diplomatie française vis-à-vis de ce énième renversement de chef d’Etat civil au Sahel – après ceux du Mali et du Burkina Faso par des militaires hostiles à Paris, en 2020 et 2022 –, qui venait en outre destituer le dernier allié de poids de la France dans la région, avait provoqué la colère du président Emmanuel Macron.

S’en était suivi, fin 2023, un grand remue-ménage dans les rangs des fonctionnaires français chargés des dossiers sécuritaires et africains, avec notamment le remplacement du directeur Afrique du Quai d’Orsay, Christophe Bigot, mi-décembre, et du patron de la DGSE, Bernard Emié, quelques jours plus tard.

Contactés, Sylvain Itté et le Quai d’Orsay n’ont pas souhaité apporter de commentaire. Une source diplomatique française souligne toutefois qu’en vertu de la séparation des pouvoirs, le ministère des affaires étrangères ne dispose d’« aucun contrôle sur les documents publiés par l’Assemblée nationale » et précise n’avoir pour l’heure connaissance d’« aucune plainte déposée à l’encontre de l’ambassadeur Itté ».

Par Morgane Le Cam-Le Monde

 

 

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