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Instrumentaliser l'Holocauste pour « relooker » le sionisme

2018-02-04 02:55:27 - Quelle direction ce changement d’image de marque prendra-t-il, on peut se le demander, dans la mesure où il continue d’utiliser le langage de la version existante du sionisme, qui assimile sionisme et identité juive. 

Il est loin le temps où, comme aux débuts du mouvement, une grande partie des juifs du monde entier était opposée au sionisme, toutefois il se pourrait que nous assistions à un regain de cette opposition. 
 
Alors qu’il n’a pas lui-même été confronté à l’antisémitisme (c’est à dire qu’il n’a pas été « la cible de discrimination »), étant donné qu’il vit à New York, que ses quatre enfants sont scolarisés dans une école juive, qu’il est libre de pratiquer sa religion, libre d’éduquer, libre d’influencer le pouvoir, M. Block affirme dans une interview : 
 
« Tout au long de ma carrière j’ai rencontré beaucoup de gens [autrement dit des juifs] qui ont été victimes de racisme et d’antisémitisme. J’ai aussi travaillé en étroite collaboration avec de nombreux survivants de l’Holocauste et écouté les récits de leur souffrance et de leur existence soumise à la discrimination suprême perpétrée par les Nazis. » 
 
La raison de l’existence du Mouvement sioniste américain et de son soutien à Israël, selon M. Block, c’est l’histoire unique et le caractère unique du peuple juif. Ses « racines », explique-t-il dans cette même interview mentionnée plus haut, ne se trouvent pas à New York (où il est né et où il a grandi, me semble-t-il) mais en Israël, où « ses cousins » ont émigré. 
 
La pierre angulaire du raisonnement de M. Block c’est, « la discrimination suprême perpétrée par les Nazis » envers les juifs. 
 
Le sionisme a traditionnellement utilisé l’Holocauste pour justifier son appropriation violente d’une partie de la Palestine historique (et actuellement son contrôle du reste) sans le moindre signe de reconnaissance à l‘égard des Palestiniens arabes, qui ne devraient certainement pas être ceux qui ont à payer pour les conséquences de l’Holocauste, mais les États-Unis et l’Union européenne, oui. 
 
La logique sioniste ne voit pas non plus ce qu’il y a de commun aux différentes formes subies de racisme et d’oppression, dont celles qu’actuellement l’état juif exerce quotidiennement contre les Palestiniens. 
 
Nier la Nakba, ou l’ignorer et avec elle ses conséquences, comme si les Palestiniens étaient un peuple jetable, va de pair avec la fabrication du mythe sioniste et rend difficile pour les Palestiniens et leurs défenseurs d’aborder la question de la nature de l’état d’Israël en tant que colonie de peuplement juive, parce que l’opposition à l’état juif en Palestine est souvent assimilée à la négation de l’Holocauste.
 
Dans Quora, selon un interlocuteur, par exemple, certains propos qui expriment les objectifs et sensibilités des Palestiniens sont inadmissibles : 
 
« Une « solution au problème de l’état juif » rappelle sinistrement « la solution finale au problème juif », conjugués à des propos sur « mettre fin au projet sioniste, » et à l’affirmation qu’Israël est illégitime. » 
 
Mais les Palestiniens doivent pouvoir annoncer leurs objectifs politiques. Le Mouvement Boycott, Désinvestissement et Sanctions (BDS) aborde la question des droits de l’homme fondamentaux des Palestiniens. Mais une fois ces droits pris en compte, une solution politique sous la forme d’un seul État démocratique surgit, et cela signifie la fin de l’état juif. 
 
Vouloir interdire d’informer sur la condition palestinienne, parce que le « récit sioniste », revendique la Palestine pour les juifs (dont un nombre croissant rejette aujourd’hui en tant que juifs cette identification au sionisme) au détriment des droits fondamentaux et des sentiments de la population indigène arabe palestinienne de toutes religions, est inacceptable. 
 
Instrumentaliser l’Holocauste, comme le fait M. Block pour servir le sionisme, est une honte. Haneen Zoabi, députée palestinienne du parti Balad au parlement israélien (la Knesset), a récemment dénoncé les hypocrisies israéliennes qui font précisément cela. Esquiver les écueils du débat « inclusif » sur l’Holocauste. 
 
Mme Zoabi a écrit : 
 
« La tentative de la Pologne de gommer son rôle dans l’assassinat des juifs d’Europe n’est, fondamentalement, pas différente de la tentative d’Israël d’effacer la catastrophe qui a frappé les Palestiniens en 1948 … La loi sur la Nakba (« qui soustrairait les fonds publics aux institutions culturelles et éducatives qui commémorent les horreurs qui se sont abattues sur les Palestiniens en 1948 ») est le résultat naturel d’un processus qui débuta il y a longtemps.
 
De plus l’instrumentalisation de l’Holocauste par l’État ne vaut guère mieux que sa négation. L’Holocauste est devenu un outil politique utilisable contre quiconque ose critiquer l’État. Les accusations d’antisémitisme sont devenues le moyen de défendre Israël qui prétend représenter les juifs du monde entier ». 
 
Je doute que M. Block ait la moindre idée de comment faire pour réinventer le sionisme et le rendre acceptable ; le sionisme est une idéologie intrinsèquement destructrice des aspirations et de la dignité de tout un peuple, et on pourrait peut-être aller jusqu’à dire, d’un point de vue moral, de deux peuples. 
 
* Rima Najjar est une Palestinienne dont la famille du côté paternel vient du village de Lifta dans la banlieue ouest de Jérusalem, dont les habitants ont été expulsés. C’est une militante, chercheuse et professeure retraitée de littérature anglaise, Université Al-Quds, en Cisjordanie occupée. 
 
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: Afrique Monde